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dimanche 1 janvier 2012

LA BUTTE ROUGE

La Butte Rouge
 Version de 1923, chantée par Francis Marty

LA BUTTE ROUGE
Paroles: Gaston Montéhus
Musique: Georges Krier 
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*
Sur cette butte là, y'avait pas d'gigolettes
Pas de marlous ni de beaux muscadins.
Ah c'était loin du Moulin d'la Galette,
Et de Paname qu'est le roi des patelins.
C'qu'elle en a bu du beau sang cette terre,
Sang d'ouvriers et sang de paysans,
Car les bandits qui sont cause des guerres
N'en meurent jamais, on n'tue qu'les innocents !

La Butte Rouge, c'est son nom, l'baptême s'fit un matin
Où tous ceux qui montaient, roulaient dans le ravin.
Aujourd'hui y'a des vignes, il y pousse du raisin,
Qui boira d'ce vin là, boira l'sang des copains.

Sur cette butte là, on n'y f'sait pas la noce
Comme à Montmartre où l'champagne coule à flots,
Mais les pauvr's gars qu'avaient laissé des gosses
Y f'saient entendre de terribles sanglots ...
C'qu'elle en a bu des larmes cette terre,
Larmes d'ouvriers et larmes de paysans
Car les bandits qui sont cause des guerres
Ne pleurent jamais, car ce sont des tyrans !

La Butte Rouge, c'est son nom, l'baptême s'fit un matin
Où tous ceux qui grimpaient roulaient dans le ravin.
Aujourd'hui y'a des vignes, il y pousse du raisin,
Qui boit de ce vin là, boit les larmes des copains.

Sur cette butte là, on y r'fait des vendanges,
On y entend des cris et des chansons :
Filles et gars doucement y échangent
Des mots d'amour qui donnent le frisson.
Peuvent-ils songer, dans leurs folles étreintes,
Qu'à cet endroit où s'échangent leurs baisers,
J'ai entendu la nuit monter des plaintes
Et j'y ai vu des gars au crâne brisé !

La Butte Rouge, c'est son nom, l'baptême s'fit un matin
Où tous ceux qui grimpaient roulaient dans le ravin.
  Maintenant y'a des vignes, il y pousse du raisin.
Mais moi j'y vois des croix portant l'nom des copains ...

*
***
*

Gaston Brunswick dit Montéhus (1872-1952) a été l'un des chantres de la chanson rouge,
Ses chansons s'opposent à la guerre, à l'exploitation capitaliste, à la prostitution, à la misère, à la religion.
En 1905, sa chanson anti-nataliste " La grève des Mères" fut interdite, et l'auteur condamné pour « incitation à l'avortement ». Mais l'aîné d'une famille de 22 enfants savait sans aucun doute de quoi il parlait

Ami de Lénine, Montéhus chante en première partie des meetings de Vladimir Oulianov, entre 1909 et 1912.
Pourtant, dès 1914 et durant les quatre années de guerre , le « chanteur humanitaire », change radicalement d'opinion, comme beaucoup d'autres, et sacrifie à "l'Union Sacrée" et devient (selon ses propres termes) un « révolutionnaire cocardier ». et chante des chansons militaristes, nationalistes, xénophobes, voire racistes.

Après la guerre, Montéhus connait un profond désaveu du public. Il  n'enregistrera plus avant 1936 et le Front Populaire, mais il tente néanmoins de se racheter en composant, en 1923, celle qui restera sa plus belle chanson:"La Butte Rouge", référence à l'innommable carnage qui vient de prendre fin, et non en hommage aux combattants de la Commune, contrairement à une opinion assez largement répandue. Croyance qui tire peut-être son origine du nom d'une autre butte, celle du Chapeau-Rouge au Pré-Saint-Gervais. C'est "sur cette butte là", proche des quartiers "communards" de Belleville et Ménilmontant  qu'en 1913, Jaurès avait pris la parole contre la guerre qui menaçait, devant plusieurs dizaines milliers de manifestants. En effet, le nom, déjà évocateur, de cette butte, a été l'objet d'un "glissement sémantique" dans les années d'après-guerre. Dès 1922 (*), au même moment où Montéhus compose et chante sa chanson. l'expression "Butte-Rouge" revient à plusieurs reprises dans les colonnes de " L'Humanité" pour appeler  à (ou rendre compte) des manifestations sur le site de la Butte de Chapeau-Rouge. Hasard ou "Agitprop"?
 En fait, on ne sait trop où situer cette "Butte". Il s'agit probablement de la "Butte de Bapaume", commune de Berzieux (Marne), sur le front de Champagne.(**)
Mais après tout, quelle importance? Il dut y en avoir, nombre de ces buttes, grandes ou petites, prises, perdues, reprises, au prix de centaines, de milliers, de centaines de milliers de morts (Français, Allemands, Anglais, Américains, Africains, Russes, Italiens, Belges, Autrichiens, Turcs, Serbes, Grecs....et j'en oublie...).
Ces "attaques pour le communiqué",  dénoncées par Abel Ferry, en 1916, à la Chambre des Députés, et qui se traduisent, du seul côté français, par 400.000 hommes de pertes inutiles".
Vauquois, Moulin, Tahure, Souain, Chalmont, Vimy, etc...
En Champagne, en Argonne, Au Chemin des Dames, dans la Somme, en Alsace..
Et aussi en Russie, dans les Balkans, en Afrique...
Toutes ces Buttes sont des "Buttes Rouges"....
Monthéhus adhère à la SFIO en 1930, et le Front Populaire lui donne un regain de succès.
Pendant l'occupation, Montéhus sera contraint de porter l'étoile jaune mais réussira à échapper à la déportation.
Décoré à la Libération, il décèdera, injustement oublié, en 1952.

Notes:
(*) 31 juillet 1922, 2 mai 1927, 15 avril 1928
(**) Et non Bapaume dans la Somme, comme on le retrouve pourtant répété à l'identique et à l'infini, sur le Web, à grand renfort de copier/coller.


INTERPRETES:

-On ne connait aucun enregistrement de cette chanson par Montéhus.
-La plus ancienne version connue est celle chantée par Francis Marty, qui figure en tête de cet article, et qui date probablement de 1923 ( ou 1931?).
-Yves Montand la reprend sur son 33t " Chansons populaires de France ", en 1963.
(Ma version préférée...)

-Claude Vinci

-Marc Ogeret, dans son disque "Chansons de révolte et d'espoir...", en 1974:




-Renaud, dans son album: "Le P'tit Bal du samedi soir et autres chansons réalistes":


-Docteur Merlin:

 

Soisic, et "Acte chanson" dans leur spectacle " Ah, Paris!"

-Zebda, dans leur album "Motivés":


-Serge Utgé-Royo
-Catherine Dargent, dans son spectacle "Je t'embrasse pour la vie":




-Gérard Gorsse
-Le trio "La Sève":



Et des chanteurs moins connus...mais non moins populaires.....!!!





















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